Et rien n’est moins certain, car par nature, la constitution d’une telle liste est subjective, puisque rien ne permet à mon sens de quantifier objectivement la valeur d’un développeur par rapport à un autre, ou bien la marque qu’il est susceptible de laisser sur le monde de l’informatique.

En effet, notre métier est tellement protéiforme sur tous les plans qu’il est très difficile et même à mon avis impossible de définir une échelle de valeurs pertinente permettant de nous classer les uns par rapport aux autres.

En conséquence, une telle liste sera forcément subjective.

De plus, il n’est possible de mettre sur une liste que ce que l’on connaît, et je doute que quiconque connaisse l’ensemble des développeurs français, et je doute encore plus que si elle existe, cette personne soit à même de juger de leurs compétences respectives.

Il faudrait pour cela qu’elle dispose elle-même de ces compétences, et donc qu’elle maîtrise l’ensemble des langages et concepts que nous manipulons quotidiennement collectivement.

Et si une telle personne existait, il n’y aurait plus besoin de créer cette fameuse liste puisque nous aurions là le Sauveur des nouvelles technologies français capable de nous créer à lui seul en deux jours le Google français…

De plus, pourquoi mettre uniquement sur cette liste 100 personnes et pas 200, 500, ou 1000 ?

Pourquoi mettre une limite, au risque de passer à côté de la perle rare, de notre Sauveur ?

Pour résumer, cette liste qui doit être le point de départ d’une stratégie qui permettra à notre pays de briller au firmament du Monde Binaire, ne sera donc aucunement le reflet de la réalité et forcément incomplète.

Si elle est la première étape vers notre conquête du numérique, nous sommes donc mal partis dès le départ.

Certains vont alors me répondre que cela reste cependant un mouvement politique significatif et que c’est mieux que rien.

Je veux bien l’admettre, si ce n’est que même en admettant que cette liste ait une quelconque valeur, je me demande vers quoi ce mouvement va bien pouvoir nous mener.

À quoi ces 100 personnes vont-elles servir ?

Vont-elles être consultantes ou bombardées conseillères spéciales au gouvernement ?

Vont-elles être débauchées et employées par une structure disposant des moyens suffisants pour créer l’Apple français ?

Mais de toute façon, est-ce que les deux Steve, Bill, Mark ou Larry ont été sur une telle liste ?

Est-ce que c’est cela qui a permis à ces hommes d’être les créateurs des entreprises les plus renommées aujourd’hui dans l’informatique ?

Et donc, est-ce que c’est pour cela que l’on passe du temps en France à créer une telle liste ?

J’espère que c’est le cas, car j’avoue que je ne vois pas d’autre objectif à cette démarche à part celui de me mettre en colère ainsi que d’autres, ne serait-ce que parce qu’il y a des choses autrement plus constructives à faire dans notre pays pour les développeurs.

La rénovation du Syntec Numérique ainsi que du modèle des SSII serait par exemple un bon début.

Cela permettrait en effet aux développeurs de le rester pour pouvoir évoluer socialement au lieu d’être obligé pour y parvenir de devenir des chefs de projets qui pilotent des tableaux de bord.

Cela permettrait aux développeurs qui sortent tous les ans de l’école d’envisager une véritable carrière dans le développement logiciel et non d’ambitionner à court terme de devenir chef de projet, car c’est aujourd’hui le Saint-Graal dans notre milieu, puisqu’il semble que ce soit le seul moyen pour ajouter un montant quelque peu significatif à la dernière ligne de la feuille de paye.

Cela permettait au métier de développeurs d’être perçu comme une profession valorisante qui offre des perspectives d’avenir, et non comme une étape indispensable, mais forcément courte et transitoire dans un parcours professionnel sous peine de devenir un paria sur le marché de l’emploi.

Et si d’aventure je me trompe, je suis certain que des structures telles que le MUNCI ont des propositions plus pertinentes à faire que moi à faire pour que notre pays puisse devenir un jour l’un des leaders dans le domaine du numérique.

Bref, il y a des choses bien plus concrètes et utiles à faire que la création d'une liste de 100 noms basée sur un réseau de relations personnel pour élever notre nation au niveau des États-Unis en ce qui concerne le développement logiciel, mais il est vrai qu’elles sont un peu plus complexes à réaliser et surtout qu’elles demandent un peu plus de courage politique…

PS : À lire également la réflexion d'Antoine sur le sujet, qui aborde avec talent la problématique posée par cette liste sous un autre angle, plus humain.