J’avoue qu’à une époque, j’ai également trouvé ce genre de discours bien pompeux et manipulateur.

Cependant, il faut également savoir faire preuve d’esprit critique, car outre le fait que je vois mal un dirigeant d’entreprise dire autre chose que « Don't be Evil », avoir de telles valeurs et les énoncer publiquement à plusieurs avantages.

En effet, outre le fait qu’elles définissent en grande partie son image de marque, ces valeurs permettent à Apple de prendre plus facilement des décisions, notamment sur des sujets qui font débat.

Il n’est pas rare en effet que des salariés soient en compétition dans l’entreprise et défendent chacun ardemment leurs idées auprès de leur hiérarchie qui peut alors avoir bien du mal à trancher en faveur de l’un ou l’autre camp.

Encore une fois, Apple est l’archétype de ce genre de lobbying interne, car les discussions parfois violentes qu’il y a pu avoir entre Steve Jobs et ses collaborateurs ou la compétition parfois bien peu fair-play qui a pu exister entre ses collaborateurs sont de notoriété publique.

Dans un tel contexte, les valeurs de l’entreprise sont alors un bon moyen d’y voir clair, car elles sont indépendantes de la subjectivité de chacun des deux camps vis-à-vis de leur travail.

Il suffit donc de mettre en balance ces valeurs et les projets des deux parties pour savoir lequel y correspond le plus.

Ainsi, si les souris Apple n’ont eu pendant longtemps qu’un seul bouton, c’est parce que Steve Jobs avait jugé que cela était contraire à l’une des principales valeurs recherchées par sa société, à savoir la simplicité d’utilisation.

Et d’ailleurs, cette situation n’a évolué que lorsqu’il a été prouvé à Jobs qu’il était possible d’avoir plusieurs boutons sur une souris qui gardait en apparence sa simplicité.

Dans un autre registre, à une époque, Apple (pour ne pas dire Steve Jobs) a eu à choisir entre Gecko et KHTML pour le moteur de rendu de ce qui allait devenir Safari, tout comme elle a été obligée de choisir entre Linux et OSX comme base pour ce qui allait devenir iOS, et je suis prêt à parier que le respect des valeurs énoncées par Tim Cook par chacun de ces projets a pesé dans la balance à l’heure de la décision définitive.

Dans la même veine, les efforts d’Apple en ce qui concerne l’impact écologique de ses infrastructures ou le contrôle qu’elle exerce sur ses sous-traitants asiatiques sont concordants avec le discours de Tim Cook.

Par ailleurs, je suis persuadé que les salariés d’Apple adhèrent plus ou moins à cette vision de manière consciente ou inconsciente, indépendamment de leur rémunération ou de tout autre avantage.

L’Homme a en effet besoin d’un objectif pour avancer, et honnêtement, je n’en vois pas de plus beau que celui de faciliter la vie de son prochain ou d’améliorer le monde.

Le message véhiculé par Tim Cook est donc sans aucun doute l’un des moteurs qui a permis à Apple de survivre et qui lui permet aujourd’hui d’avancer contre vents, bourse, concurrents et marées malgré des choix qui ne sont pas forcément consensuels.

Face à ce raisonnement, certains me rétorquent qu’Apple n’a de toute façon qu’un seul but, faire de l’argent, et que si moteur il y a bien, il sert à remplir les caisses et non à améliorer le monde.

Sauf que ceux qui tiennent ce discours oublient que l’argent n’est qu’un moyen de parvenir à ses fins, et non une finalité en soi, car il faut des moyens humains, techniques et financier important pour parvenir à faire ce que l’on veut être le meilleur produit au monde dans sa catégorie.

Et quand bien même ce n’était pas le cas, si en plus d’améliorer le Monde, il est possible de gagner de l’argent, pourquoi s’en priver ?

Le mantra d’Apple et d’autres sociétés peut donc sembler présomptueux et être perçu uniquement comme un discours marketing à destination de moutons capables d’avaler l’appât, l’hameçon, la ligne, la canne, le pécheur et même le chalutier, voir même être perçu comme de l’évangélisation permettant à l’entreprise de se remplir encore plus les poches.

Cependant, ce discours peut également être perçu comme une volonté réelle et surtout un moyen pour l’entreprise de prendre les bonnes décisions et d’obtenir les ressources qui lui permettront d’arriver à ses fins.

Indépendamment de l’entreprise qui le tient, il n’y a donc pas à mon sens lieu de s’offusquer d’un tel discours, et nous devrions au contraire avoir la même démarche à titre individuel ou collectif.

Car si, en tant qu’homme ou groupe d’individus, nous avions de telles valeurs affichées publiquement et faisions en sorte de les respecter, le Monde serait certainement un endroit bien différent.