À titre personnel, ce qui m'a le plus surpris est le fait que le lendemain de mon arrivé dans l'entreprise, mon patron de l'époque soit rentré dans mon bureau en discutant au téléphone dans une langue qui m'était complètement inconnue et aux sonorités plus qu'étranges pour mes oreilles d'occidental.

Sur le moment, j'ai pensé à une blague, puis ensuite que je faisais un accident vasculaire cérébrale, avant d'envisager sérieusement le fait qu'il soit un Klingon déguisé en humain.

Cependant, tout cela s'est révélé totalement faux et il ne faisait en réalité que discuter avec sa femme d'origine japonaise, donc en japonais…

Et il est à mes yeux tout aussi surprenant que ce même patron figure aujourd'hui en très bonne place parmi mes meilleurs amis, fort peu nombreux par ailleurs, car je n'aurais jamais imaginé avoir ce type de relation avec un supérieur hiérarchique.

Au niveau technique, la chose qui m'a le plus frappé lors de ma première embauche était l'utilisation massive d'internet à tous les niveaux de la société, ce qui était tout à fait normal et logique vu que je travaillais chez un opérateur télécom en l'an 2000, mais qui était totalement nouveau pour moi.

En effet, à l'époque, Internet se résumait pour moi à un modem 56K, à la connexion au réseau renater de l'université partagée entre tous les étudiants, et il était avant tout une source de distraction et au mieux une source d'informations.

Or, chez mon premier employeur, Internet se matérialisait sous la forme d'une fibre optique et était avant tout un outil de travail qui servait de base de connaissance, de disque dur, de média de communication avec les clients et de fournisseur pour la totalité des ressources financières et surtout logicielles nécessaires au fonctionnement de la société.

En effet, toute son infrastructure technique reposait intégralement sur des programme libres et/ou open source et Internet était donc le passage obligé pour les obtenir et apprendre à les utiliser.

Aujourd'hui, cela prête fortement à sourire, mais pour moi, à l'époque, c'était une vrai révolution, car ce qui était pour moi un simple amusement est devenu du jour au lendemain mon outil de travail et me permettait d'avoir un salaire.

À moyen terme et dans un autre registre, ce qui m'a le plus surpris a été l'emprise grandissante que l'aspect commercial a pu prendre sur la technique à la suite d'un rachat par une entreprise avec une culture et une mentalité totalement différente de celle de mon employeur.

Progressivement, ce n'était plus le technicien qui indiquait au commercial ce qui devait être fait et en combien de temps, mais le commercial qui indiquait, avec le soutien de la direction, ce qui devait être fait et en combien de temps.

Inutile de dire que les situations ubuesques et/ou trahi-comiques n'ont pas tardé à se multiplier, et que pour tenir les budgets, nous avons bien souvent été obligés de recourir à la technique dite de la rache ou des pots de yaourt et du bout de ficelle.

J'avoue avoir tiqué à l'époque sur ce point, car je ne pourrais jamais comprendre comment une personne ne disposant pas du bagage technique nécessaire pouvait prendre en toute légitimité des décisions pour les gens qui eux en disposent, le tout avec la bénédiction des instances supérieures.

Et si en prime cela implique que les gens qui savent s'en prennent plein la gueule parce que ce que voulait le client a demandé plus de temps que ce qui a été vendu, je ne tique plus, je fais un blocage pur et simple digne du blue screen of death ou d'un kernel panic.

Cela m'amène à ma surprise suivante, car à ma grande stupéfaction, j'ai constaté qu'il est très possible avec les mauvaises bonnes personnes aux commandes, de transformer une entreprise innovante, leader sur son marché et soucieuse de proposer des services de qualité en une société standard 1.0 en relativement peu de temps.

Et pour finir, ce qui m'a le plus marqué est certainement l'importance d'avoir un réseau, c'est à dire avoir les bons contacts, aussi bien chez les fournisseurs que chez les clients, pour pouvoir faire avancer les choses rapidement aussi bien lorsque tout va bien que lorsque tout va mal, et cela aussi bien pour vous que pour vos collègues ou vos clients.

Mon patron (donc mon ami pour ceux qui n'aurait pas suivi) dispose en effet d'un carnet d'adresses magique qui doit faire la longueur du fleuve amazone et qui contient immanquablement les coordonnées de la personne ad hoc à contacter pour toutes les situations possibles et imaginables, ou bien ceux de la personne qui connait la personne indispensable pour faire le travail demandé correctement, car, je cite, le monde est petit, et celui des télécommunications l'est encore plus.

Aujourd'hui, je peux vous dire avec certitude que l'étendue et la qualité de votre réseau de connaissance est une plus-value non négligeable pour votre profil, et cela, on ne l'apprend certainement pas à l'école !