La société Voke, car c'est une société, a été crée en 2006 et se définie elle-même comme un cabinet d'analyse indépendant et moderne qui se concentre essentiellement sur le marché de l'innovation et des nouvelles tendances.

Son mojo est de « provoquer la réflexion » afin d'amener les leaders du marché vers un niveau supérieur d'excellence.

Une fois ceci compris, il devient facile de comprendre la raison pour laquelle l'étude à l'origine de ce billet n'est pas accessible sans passer par une inscription, payante de surcroit.

En effet, s'il y a bien la possibilité de s'inscrire gratuitement pour trois mois, je peux vous dire pour l'avoir testé que l'accès obtenu ne permet pas d'accéder au contenu « premium » du site dont fait justement parti l'étude.

Il faut donc débourser entre $150 et $999 pour pouvoir accéder effectivement au contenu de l'étude, et même dans ce cas, les conditions pour y accéder sont pour le moins drastiques.

Tarifs de Voke

Du coup, je m'interroge, voire je me dis que tout cela fleure très fort le buzz marketing savamment orchestré.

En effet, j'ai du mal à comprendre comment la conclusion d'une étude susceptible de faire autant polémique et dont l'accès est si contraignant a pu être diffusée à une si grande échelle sans que Voke n'y ai joué le moindre rôle.

De plus, au vu des restrictions d'accès misent en œuvre, je doute que la plupart des entités ayant relayées l'information ait pu lire l'étude dans son intégralité.

Enfin, toujours du fait de ces restrictions d'accès, il est très difficile de connaître le modus operandi utilisé pour collecter les données, et donc de les qualifier.

À contrario, les données diffusées publiquement sont faciles à trouver car très largement reprises sur le web.

J'ai ainsi pu « apprendre » que l'étude a eu lieu de juin 2011 à février 2012 et qu'elle est le résultat d'un sondage effectué auprès d'environs 200 personnes.

Malheureusement, on ne sait absolument rien du profil de ces 200 personnes, si ce n'est que 64% d'entre eux auraient trouvé la transition vers les méthodes agiles perturbantes, difficiles, et lentes, et que seulement 28% auraient migrées avec succès.

Il est donc impossible de décider si cet échantillon de 200 personnes est réellement représentatif et de plus, la notion de succès n'est pas clairement définie, tout comme les conditions des migrations.

Il y aurait bien 4 participants à l'étude qui auraient données des détails sur leur expérience de l'agilité, mais là encore, aucune données précises n'est fournie sur les critères utilisés pour définir cette expérience.

J'ajoute que toujours d'après les informations auxquelles j'ai pu accéder, un certain nombre de participants utiliseraient également l'agilité pour échapper à la planification et à la rédaction de tout documentation.

Cependant, assez bizarrement, il m'a été impossible de trouver un pourcentage correspondant à ce fait parmi les données publiques disponibles, et il peut donc s'agir d'une personne sur 200.

Le reste est à l'avenant et permet à Voke d'arriver à la conclusion évoquée en introduction de ce billet, mais au vu de tout cela, il me semble légitime de mettre en doute l'objectivité de l'étude concernant la valeur ajouté de l'agilité par rapport à des méthodes de développement plus « traditionnelles ».

Et c'est d'autant plus facile qu'il est possible d'interpréter ces données d'une tout autre manière, si l'on a pratiqué un peu l'agilité.

En effet, une migration vers les méthodes agiles peut être très perturbante, lente et difficile, car par nature, ces méthodes remettent en cause le fonctionnement fondamental de l'entreprise à tout les niveaux (dans l'idéal…).

J'ai été perturbé lorsque j'ai commencé à les mettre en œuvre à titre personnel, j'ai été perturbé lorsque je les ai expérimenté réellement en entreprise, et mes collègues l'ont été également lorsqu'ils y ont été confronté.

Or, j'ai eu la chance de me frotter à tout cela dans un contexte extrêmement favorable où je n'avais personne à convaincre du bien-fondé de l'agilité et donc aucune résistance à combattre.

Je n'ose imaginer le calvaire que cela doit être de migrer vers des méthodes agiles dans des structures de tailles importantes où la hiérarchie doit absolument être respectée, le déploiement de parapluie est un sport quotidien et le fait d'atteindre des objectifs commerciaux et financiers a plus d'importance que de satisfaire le client le plus rapidement et le plus efficacement possible.

Concernant la planification, je trouve également assez peu choquant que des personnes utilisent l'agilité pour ne pas perdre de temps à créer pendant des heures des plannings qui ne seront au final pas respecté, ou pour écrire des documentations qui ne seront pas lues ni maintenues et qui sont donc inutiles, foires néfastes, à la satisfaction rapide du client, car après tout, c'est bel et bien l'objectif de l'agilité de faire disparaître les processus empêchant aux développeurs d'être le plus productifs possible.

Quand aux faits que l'agilité soit un échappatoire aux tâches indésirables et aux horaires, j'en suis très heureux, puisque c'est justement son but de permettre aux développeurs de se concentrer sur l'indispensable en maximisant le plus tôt possible la valeur ajouté du produit, tout en maintenant un rythme de travail acceptable.

Bref, d'après les données que j'ai en ma possession, les méthodes agiles auraient les défauts de leurs qualités, ce qui laisse assez songeur quand à la pertinence des conclusions de cette étude, d'autant qu'elle semble occulter un fait important.

Il n'y en effet pas une et une seule agilité, ni à proprement parlé de méthodes agiles, mais bien une philosophie, un courant de pensée.

Par définition, être agile signifie en effet s'adapter au contexte, et chaque entreprise étant différente, aussi bien structurellement qu'humainement, il n'y a de recette à appliquer systématiquement pour que l'agilité fonctionne.

En conséquence, ce qui a marché chez l'une ne marchera peut être pas chez l'autre, et il faudra peut être prendre un tout autre chemin pour parvenir au même résultat.

Il est donc par définition assez utopique de vouloir qualifier l'impact des méthodes agiles de manière aussi globale que dans le cadre de l'étude de Voke, car par nature, elles s'appliquent localement en fonction du contexte.

Je rejoins cependant la conclusion du rapport de Voke sur un point.

L'agilité a le vent en poupe et elle est effectivement devenue pour certain un business lucratif via la vente de formations et surtout de certifications qui ne veulent en réalité strictement rien dire, justement à cause de la nature très « locale » de l'agilité.

Cependant, le phénomène n'est pas nouveau, et il est même décrié par des agilistes de la première heure depuis longtemps.

J'ai donc assez peu de scrupules à dire que tout cela a été présenté et diffusé de façon à faire monter la mayonnaise et à permettre à Voke de se faire connaître et de remplir ses caisses à moindre frais via une campagne de publicité savamment orchestrée et à laquelle je participe en écrivant ce billet.

En effet, les informations diffusées ont eu un impact aussi bien sur les promoteurs de l'agilité que sur leurs opposants, l'un des camps ayant fait monter le buzz en dénigrant l'étude, l'autre y ayant trouvé tout un tas d'arguments lui permettant de dénigrer l'agilité.

Et cela a été d'autant plus facile pour ceux qui ont orchestré tout cela qu'il est possible de faire dire tout et son contraire des données publiques disponibles et qu'il est très difficile de savoir à quoi s'en tenir précisément sans débourser une somme conséquente et suffisamment dissuasive pour que le buzz continue à s'entretenir sans base solide, ce qui contribue à alimenter le doute et donc la polémique.

J'adresse donc mes plus sincères félicitations aux gens en charge du marketing chez Voke !