Et à ce titre, en terme de partage des connaissances, j'ai beaucoup à apporter, car même si la technologie a beaucoup évolué, ou justement parce qu'elle a beaucoup évolué, j'ai touché à beaucoup de choses et j'ai accumulé des connaissances diverses et variées qui me rendent, du moins je l'espère, plus efficace dans le cadre de mon travail.

À contrario, les jeunes que je rencontre, que ce soit via mon activité professionnelle, les salons, le conférences, les demandes de stage, les entretiens d'embauche, twitter ou IRC n'ont pas cette culture, et c'est parfaitement normal vu qu'ils n'ont pas mon expérience.

De plus, bien souvent, leur formation ne leur a pas apporté les bonnes bases, aussi bien techniquement que humainement, pour appréhender dans les meilleures conditions leur métier.

Ils leur manquent la plupart du temps les bases techniques qui leur permettraient de comprendre réellement ce qu'ils font au lieu d'en avoir une vague idée, et ils ont également des difficultés à structurer leur pensée pour parvenir à résoudre efficacement et correctement un problème donné.

À cela s'ajoute des lacunes en communication, alors qu'il s'agit d'une compétence indispensable à maîtriser dans le domaine du développement logiciel, à tel point qu'elle est à la base du manifeste agile.

Je passerais sur le fait que les méthodes agiles sont quasiment totalement absentes des cursus universitaires, tout comme le Test et que visiblement, Java est le seul langage utilisé par les entreprises, ce que donc très peu de juniors, comme on les appelle, savent manipuler correctement la mémoire d'un ordinateur.

Les vieux (cons) comme moi ont donc très clairement un rôle à jouer auprès de la jeunesse, en transmettant leur savoir, de la même façon que Yoda l'a fait avec Luke, mais pour cela, il faudrait qu'on les laisse faire, et c'est loin d'être le cas.

Tout d'abord parce que passé un certain stade, il n'est pas bien vu dans notre pays de n'être qu'un développeur.

J'avoue en ignorer la raison, et ce n'est de toute façon pas le propos (d'autant que d'autres ont quelques idées sur la question), mais dire que l'on est développeur lorsque l'on a plus de 30 ans sonne aux oreilles des gens comme j'ai raté ma vie.

Il faut dire que la rémunération n'aide pas, puisqu'être développeur, c'est être tout en bas du bout du fond de l'extrémité de la grille salariale, ce qui fait qu'en plus de comprendre j'ai raté ma vie, la personne qui entend je suis développeur comprend je suis pauvre.

Et dans une société de consommation, être pauvre, ou perçu comme tel, c'est juste la honte.

Il est donc important pour le junior de quitter le plus rapidement possible le statut honteux de développeur et de devenir le plus rapidement possible autre chose, quoi que cela puisse être, à la fois pour mieux gagner sa vie et pour être mieux considéré socialement.

Mécaniquement, par ce simple fait, le nombre de vieux développeurs tend donc vers -∞, et nous devenons donc, nous les sages, vieux et éminents développeurs, une denrée rare et même de plus en plus rare.

Et comme toute chose rare, nous sommes trop chers, d'autant que notre expérience ajoute encore quelques zéros à la facture et de fait, nous ne sommes pas les profils les plus recherchés par les recruteurs.

Ces derniers ont en effet une très nette tendance à privilégier les personnes fraichement sorties de l'école, donc beaucoup moins chers et beaucoup plus exploitables malléables car encore assez peu au fait du fonctionnement de l'entreprise et du code du travail.

À tout cela s'ajoute un autre phénomène, cette fois purement technique et qui pour le coup joue clairement contre nous alors que paradoxalement, la technique est notre atout majeur.

Aujourd'hui, la mode est aux outils qui simplifie le travail du développeur et qui donc lui masque la complexité de son travail.

Pour preuve, les recruteurs ne cherchent plus en priorité aujourd'hui des développeurs PHP, mais des développeurs Symfony, et vous pouvez remplacer PHP par Java et Symfony par Play!, ou bien par tout autre langage et tout autre framework sans aucun problème.

Le besoin en compétence pointu devient donc de moins en moins important au fur et à mesure que de tels outils se développent et se démocratisent, et le nombre de poste disponibles pour les vieux de la vieille comme moi se réduit donc d'autant.

Et parallèlement et proportionnellement, de manière assez pernicieuse, le niveau de compétence sur le langage, que ce soit PHP, Java ou brainfuck, est du même coup en baisse (quoique pour brainfuck, j'ai comme un doute).

La démocratisation des outils de RAD réduit donc le nombre de postes disponibles pour les profils disposant de la Connaissance tout en abaissant le niveau de Connaissance des moins expérimentés (même s'il faudra toujours des profils expérimentés pour développer ces outils, du moins durant un certain temps).

Je ne sais pas vous, mais moi, ça me fait flipper, et pas uniquement parce que je suis vieux, car c'est peu ou prou le même mécanisme que celui qui mène à l'extinction d'une espèce, et je vous rappelle qu'en informatique, le temps passe approximativement six fois plus vite que dans le monde réel.

Heureusement, certains ont conscience du problème et tire la sonnette d'alarme et/ou militent pour que les choses changent, à commencer par l'État via le contrat d'apprentissage.

D'autres encore, ont refusé le système et sont restés des développeurs contre vents et marées en devenant des artisans qui cisèlent leur code avec amour, mais malheureusement bien trop souvent en solitaire, même s'il tente de répandre la bonne parole par divers moyens.

Cependant, c'est loin d'être suffisant car pour que les choses évoluent positivement de manière significative, il faut également une évolution des mentalités (non, développeur n'est pas un métier honteux, bien au contraire), de l'éducation (oui, il existe d'autres langages que Java), de l'économie (il faut pouvoir payer correctement les profils seniors) et surtout une envie de préserver un savoir-faire en s'intéressant à ce qu'il se passe sous le capot, sous peine de devoir un jour jouer les space cowboys sans cowboys !

Bref, nous sommes dans la merde, même si ce qui précède est par certains côtés et à dessein un brin caricatural et alarmiste et qu'en conséquence, il ne faut pas forcément généraliser et donc ne pas se sentir visé ou dévalorisé !